Vol à Corbeil


Lieu de tourisme et de promenade pour les Parisiens, Corbeil est relié à la capitale depuis 1840 par le chemin de fer. C’est aussi un très gros centre industriel à 29 km au sud-est de la Ville Lumière. Au confluent de l’Essonne et de la Seine, ses cinq ports de commerce expédient partout les produits de ses filatures, de ses imprimeries, de ses sucreries ou encore de sa féculerie. Avec 9692 habitants en 1901, soit deux mille de plus en dix ans, la ville connait une véritable explosion urbaine. Rien d’étonnant alors à ce qu’elle soit un point de passage pour les Travailleurs de la Nuit. Mais, lorsque Joseph Ferrand vient y faire un tour en octobre de cette année, il n’est rien évidemment pas question de villégiature.

L’examen du vol Roché, lors de la 3e audience du procès d’Amiens, le 10 mars 1905révèle d’abord un petit vol si tant est qu’il puisse y en avoir de petits. Il nous permet surtout d’entrevoir une filière d’écoulement des produits dérobés par les illégalistes. Un fusil retrouvé chez un individu qui l’aurait acquis chez un prétendu antiquaire signale à la police un dénommé Deschamps. Ce dernier, né à Saint Marcel en Savoie le 2 décembre 1855, est en fuite mais, inculpé pour recel, il finit par se rendre à la justice pour des raisons qui nous sont inconnus alors que le procès de la bande dite sinistre touche à sa fin.

Le 16 mars 1905, après le discours accusateur du substitut Pennelier, la rumeur court lors de la suspension d’audience que Antoine Deschamps vient de se constituer prisonnier. Le brigadier Doyen, qui surveille l’évènement pour le compte de la Préfecture de police de Paris, confirme le bruit qui court dans son rapport en date du même jour :

« Le nommé Deschamps, l’un des accusés en fuite, s’est constitué prisonnier aujourd’hui à trois heures de l’après-midi. Arrivé en voiture au palais de justice, il s’est présenté au commissaire central, qui l’a fait conduire devant le procureur général ; celui-ci l’a fait écrouer à la prison de Bicêtre. Deschamps a dit au procureur général qu’il venait d’Amérique d’où il s’était enfui en apprenant l’arrestation de Jacob et de ses complices »[1].

Trois inculpés sont toujours en fuite : Henry, Vambelle et Mongardin. L’arrestation de Deschamps ne change rien au cours du procès d’Amiens. Son cas est traité aux assises suivantes mais la justice ne parviendra pas à prouver l’accusation de recel. Le vol Roché commis à Corbeil est lui rapidement expédié.

Archives de la Préfecture de Police de Paris

EA/89, dossier de presse La bande sinistre et ses exploits

3e audience, 10 mars 1905

Vol à Corbeil

Mme Hoyau était chargée en l’absence de Mme veuve Roché, demeurant à Corbeil, de surveiller son domicile. Le 30 octobre 1901, elle constatait que des cambrioleurs s’étaient introduits dans cette maison.

La porte d’un soupirail de la cave avait été fracturée ainsi que la porte à deux battants de cette cave. La serrure de la porte du vestibule avait été forcée et tous les meubles du rez-de-chaussée, qui étaient munis de leurs clefs, visités. Au premier étage, les armoires, commodes et secrétaires, qui étaient fermés, avaient été l’objet d’effractions.

Ferrand s’est reconnu l’auteur de ce vol. Il avait emporté de la maison de Mme Roché une somme de 12 francs, une jumelle photographique, un fusil de chasse, un médaillon, etc. Le fusil a été retrouvé chez un M. Bordier, demeurant à Champigny, qui l’avait acheté et le tenait de troisième main. Il avait été vendu 25 francs par Deschamps, un des accusés. Ferrand reconnaît à nouveau le vol. Il dit que Deschamps ne savait pas que le fusil avait été volé.

M. le président fait subir à l’accusé un interrogatoire général sur ses antécédents.

Ferrand est né le 18 janvier 1880 à Varambon (Ain). Il a été douze fois condamné. Il connaissait Jacob depuis sa rencontre à Marseille. Il fut réformé.

Il habita rue de la Clef, où il devint l’amant de Gabrielle Damiens.

– Vous avez été arrêté le 22 janvier 1903 en compagnie de Vaillant pour un vol commis à Nevers.

– Oui, monsieur le président.

– Vous avez été condamné de ce chef par la cour d’assises de la Nièvre à dix ans de travaux forcés et à la relégation.

– Oui, monsieur.


[1] Archives de la Préfecture de Police Paris, BA1504, le dossier de presse « Les bandits sinistres » (A.P.P.P., EA/89) donne également quelques précisions :

« Vers trois heures de l’après-midi, un individu porteur d’une valise se présentait à la grille du palais de justice, rue Victor Hugo et demandait aux agents de service s’il pouvait être mis immédiatement en présence du commissaire central de police. On avertit ce magistrat qui fit avancer l’inconnu. Le voyageur, après quelques phrases ambiguës, déclara tout à coup qu’il était Antoine Deschamps, né le 2 décembre 1855 à Saint Marcel (Savoie), marchands de meubles et antiquités à Paris, inculpé dans l’affaire Jacob. Deschamps ajoutait qu’il venait se constituer prisonnier. M. le commissaire central conduisit « le revenant » au parquet général où se trouvaient M. Lefaverais avocat général et M. Mancel substitut du procureur qui reçurent les mêmes déclarations de Deschamps. Quelques instants plus tard, Deschamps était écroué à la prison de Bicêtre« .

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