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Kafka et les anarchistes
Le Monde libertaire n° 1805 - avril 2019

Kafka retrouve les anarchistes Vous pensez avoir tout lu au sujet de la vie et de l’œuvre de Franz Kafka ? Détrompez-vous ! Le Monde libertaire a reçu un petit volume qui devrait faire date et espérons-le, au-delà de nos mi¬lieux : Kafka et les anarchistes de Costas Despiniadis. Dans sa préface, l’auteur nous fait très justement remarquer que « Nombre de biographes, soit ne font aucune référence aux relations attestées et confirmées de Kafka avec les cercles anarchistes praguois, soit affirment que tous les témoignages, y compris celui de Gustav Janouch, ont été presque entièrement fabriqués. » C’est en analysant les écrits majeurs de Kafka et les fameux témoignages que l’auteur remet les pendules à l’heure « Afin de restituer la dimension réelle des intérêts de Kafka pour l’anarchisme, sans pour autant ni les amplifier ni les minimiser, comme s’il était interdit à un écrivain important d’être séduit par les idées anarchistes » ... Pour Costas Despiniadis au contraire, les références politiques, philosophiques et critiques de Kafka résonnent bien souvent avec les idées anarchistes, autant en ce qui concerne le pouvoir, la bureaucratie, le capitalisme, le patriarcat, les prisons, le pouvoir judiciaire ou encore, la loi. Très justement, l’auteur nous fait remarquer que Franz Kafka est né en 1883 et mort en 1924 « Ce qui signifie qu’il a vécu la gestation et la naissance de la bureaucratie de l’Union soviétique, de l’Amérique capitaliste et de l’Allemagne nazie. Kafka qui, pour un regard jugé par cer¬tains critiques comme “superficiel”, semble en effet à première vue être un écrivain apolitique, mais il est au fond un juge anarchiste de tout ce qui advient autour de lui et de tout ce qu’il voit naître. Anarchiste, non dans le sens du révolutionnaire, mais dans celui de l’éveilleur, du témoin. » Dans une première partie de l’ouvrage, Costas Despiniadis passe en revue quelques-unes des œuvres majeures de Kafka et met en relief la quête de leurs « différents et pourtant presque semblables héros ». Tel qui, dans Le Procès, dénonce le pouvoir politique et bureaucratique. Tel qui, dans Le Château, ne fuit pas le danger mais qui au contraire de par ses déductions successives, se dirige tout droit vers sa source. Tel qui, dans L’Amérique, fait une critique politique impitoyable du « rêve américain et du triomphe du capitalisme » et de son côté sombre : le monde des travailleurs interchangeables et licenciables à merci. Ou tel qui encore, dans La Co¬lonie pénitentiaire, dénonce la torture morale et physique (par le tatouage). Dans une autre partie, l’auteur met en relief les mécanismes de la remise en question chez Kafka et du pouvoir paternel et du pouvoir patriarcal, notamment dans La Métamorphose, LeVerdict, L’Amérique et La Lettre au père. Mais Despiniadis nous met surtout en garde contre les psychanalystes en herbe qui ne veulent résumer l’œuvre de Kafka qu’au seul prisme de la culpabilité. Afin de les remettre à leur place, il leur renvoie la fameuse phrase de Deleuze-Guattari : « La psychanalyse se nourrit de la valeur d’échange de la névrose, dont elle tire sa plus-value. » Idem sur le bec de ceux qui veulent restreindre l’œuvre de Kafka à une pseudo-recherche théolo¬gique. La dernière partie de l’ouvrage tente de nous éclairer sur les lectures anarchistes de Kafka, mais revient sur¬tout sur les polémiques au sujet des témoignages prouvant sa participation aux cercles anarchistes de Prague et aux marches de travailleurs. Justement, à ce propos, en voyant passer l’une d’elle dans la rue, Kafka, visionnaire dit à l’un de ses amis : « Ces hommes sont les maîtres du monde, néanmoins ils se leurrent. Derrière eux se profilent déjà les secrétaires, les bureaucrates, les politiques professionnels, tous les sultans contemporains qui voient s’esquisser leur accès au pouvoir »…